Je travaillais près des anciennes Galeries ansoises. Je ne sais pas si j’étudiais ou si j’accomplissais une tâche manuelle ; j’étais peut-être en train de regarder un film, en fait. Il était déjà treize heures trente-cinq ; il devenait donc temps de me sustenter. Puisque ma mère et ma grand-mère étaient en vadrouille, je décidai, plutôt que d’aller manger chez cette dernière comme tous les jours, de faire plus simple : direction la maison familiale.
Il faisait très calme dans le quartier. Je me trouvais à quelques mètres de ma destination quand j’entendis un bruit qui me rappela celui de la porte arrière. J’entrai dans la maison avec un mauvais pressentiment.
Je ne m’étais pas trompé. La porte du jardin avait la poignée à la verticale et était entrouverte. Le voleur ne devait pas être loin ; peut-être avait-il traversé la haie et était-il en train de remonter l’allée des voisins. Je me précipitai dans la rue, regardai au loin, à gauche, à droite ; il n’y avait personne. Dans l’allée des voisins, seul un chien montait la garde — non, deux, il y en avait deux ; ils étaient nerveux. Je me rapprochai afin d’étudier la situation de plus près ; je ne vis rien, si ce n’est qu’un des deux chiens était en fait… un sanglier ! Il grognait en ma direction ; j’essayai de l’apaiser par des mots doux et m’écartai.
Soudain, un véhicule passa sur le casse-vitesse dans mon dos. Je réalisai que c’était une voiture de police — un agent à bord. Je courus derrière elle en faisant de grands signes ; elle s’arrêta un peu plus loin.
Télescopage des événements : c’est cet instant que choisit un homme pour sortir à vélo de l’allée des voisins. Il prit de la vitesse et parvint à franchir sans difficulté le maigre barrage de mes bras.
La voiture de police le serra et il fut contraint de s’engager dans une propriété ; nous courions derrière lui. Il entra dans la maison et s’y annonça comme s’il connaissait les habitants et qu’il venait leur rendre visite. Je ne sais pas si c’est parce qu’il se trouva bloqué ou parce que nous l’interpellâmes, mais il dut se retourner. C’était un homme blanc, face ronde, cheveux rasés, d’une quarantaine d’années. J’avais dégainé mon téléphone ; je le filmai. Nous connaîtrions son visage pour l’éternité.
Il passa à mes côtés ; l’agent de police l’arrêta et fouilla son sac. Nous y découvrîmes ce qu’il avait volé chez mes parents — j’ai oublié ce dont il s’agissait.
Petit à petit, la famille rentra à la maison ; nous nous retrouvâmes dans le garage, où je pus leur raconter cette aventure avec une multitude de détails, même les plus insignifiants, à la façon de ma mère — ce qui explique sans doute pourquoi je me souvenais si bien du rêve en me réveillant ce matin-là.