Tours et détours de la vilaine fille

Tours et détours de la vilaine fille, de Mario Vargas Llosa, raconte les amours intermittentes du narrateur, Ricardo Somocurcio, un Péruvien dont le rêve — vite accompli — est d’émigrer à Paris, avec une compatriote qui a une tendance à la mythomanie. Ces deux personnalités distinctes, aux objectifs bien distincts eux aussi, ne cessent de voir leurs routes s’entrecroiser.

Ricardo n’a qu’une vie : celle d’un traducteur-interprète vivant à Paris, que son métier amène parfois à voyager. La vilaine fille change en revanche régulièrement de vie (et de nom par la même occasion) ; tout au long du roman, nous apprendrons qu’elle a été une pauvresse, puis une fausse Chilienne, puis une révolutionnaire cubaine, puis l’épouse d’un diplomate anglais, puis celle d’un Britannique amateur de chevaux, puis maîtresse d’un cruel Japonais, puis pauvresse à nouveau, puis épouse de Ricardo, puis amante du mari de son employeuse.

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Arcos de la Frontera

De loin, Arcos de la Frontera, perchée sur les flancs d’une abrupte érection rocheuse, ne payait pas de mine, notamment à cause des façades noires et délabrées de ses vieilles maisons autrefois blanches ; c’étaient essentiellement ses antiques bâtiments chargés d’histoire qui lui donnaient du cachet.

Je descendis de l’autocar et, armé de mes seules jambes, montai, montai et montai encore jusqu’à la basilique mineure Sainte-Marie de l’Assomption, dont le magnifique portail gothique invitait à la méditation. Un parador me permit d’embrasser les environs, très verts, où s’épanouissaient le lac d’Arcos et le Guadalete. Depuis le début de mon périple andalou, je n’avais toujours pas vu les paysages secs, gris et bruns typiques du cœur de l’Andalousie, si dépaysants, et ce n’était pas ici que ça allait changer.

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Arrestation d’un voleur

Je travaillais près des anciennes Galeries ansoises. Je ne sais pas si j’étudiais ou si j’accomplissais une tâche manuelle ; j’étais peut-être en train de regarder un film, en fait. Il était déjà treize heures trente-cinq ; il devenait donc temps de me sustenter. Puisque ma mère et ma grand-mère étaient en vadrouille, je décidai, plutôt que d’aller manger chez cette dernière comme tous les jours, de faire plus simple : direction la maison familiale.

Il faisait très calme dans le quartier. Je me trouvais à quelques mètres de ma destination quand j’entendis un bruit qui me rappela celui de la porte arrière. J’entrai dans la maison avec un mauvais pressentiment.

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In memoriam : Paul Fraiture, auteur de L’Ivraie

Paul Fraiture, professeur de français retraité (Sainte-Croix, Liège), auteur d’une Grammaire vivante du français et romancier à ses heures perdues, nous a quittés ce 16 février 2023 à l’âge de quatre-vingt-six ans. Paul était un voisin et ami d’une serviabilité et d’une modestie à toute épreuve, une belle personne, humaine et bienveillante.

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Ce qui inspira à John Kennedy Toole La Conjuration des imbéciles

En 1961, le jeune John Kennedy Toole, vingt-trois ans à peine, dut interrompre ses études pour faire son service militaire. Il fut affecté à Fort Buchanan, sur l’île de Puerto Rico, où on le chargea d’enseigner l’anglais aux recrues hispanophones.

D’ordinaire enjoué et prompt à faire de l’humour, Toole sombra peu à peu dans la dépression. Ce n’était pas tant l’isolement qui lui pesait, mais l’inactivité qui s’installait dans son quotidien faute de nouvelles recrues à former, couplée à la chaleur étouffante qui jour après jour le tourmentait, transformait lentement mais sûrement sa vie en cauchemar.

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La terreur du meurtrier

J’avais mis en œuvre mon plan d’abattre un politicien quelconque, mais je n’avais hélas pas pris suffisamment de précautions, et, quelques heures après mon forfait, le pays entier était sur le point de découvrir l’identité du fugitif que j’étais devenu. Je me trouvais dans une foule, et je me savais perdu, et je regrettais mon geste, surtout quand je pensais à ma compagne. J’avais l’impression qu’avec mon incarcération à venir je l’abandonnais, et je l’imaginais pleurer toutes les larmes de son corps lorsqu’elle apprendrait mon crime et mon emprisonnement. Je ne serais pas présent pour la consoler. Pire : j’étais la source de son malheur futur. En ce moment elle était peut-être déjà en train de découvrir mon visage sur son écran de télévision. J’étais honteux. Je regrettais. J’avais perdu tout espoir.

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