Ubrique

Ubrique ressemble à un drap blanc soutenu par les lignes de crête de trois ou quatre montagnes, telle une bâche étendue par les pompiers sous un immeuble en feu. Les petites maisons de chaume se collent les unes contre les autres, de façon désordonnée d’abord, à cause des obstacles naturels auxquels elles se marient, puis dans des blocs de plus en plus réfléchis, de plus en plus coordonnés, s’épanouissant dans cette vallée dessinée à leur mesure.

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Micronouvelle #8 — Le Pouvoir du Pinceau

Jules Rabotnik se définissait comme un peintre paysagiste, mais il lui arrivait à l’occasion de réaliser des portraits, soit pour gagner sa croûte, soit pour remercier un ami. Il vivait une existence paisible et honnête, bien que pauvre, une existence qui lui plaisait et qu’il aurait bien prolongée telle quelle jusqu’à trépas, mais c’était sans compter sur les caprices du destin ou les volontés du Très-Haut.

Un soir d’hiver, un petit homme chauve et bien vêtu qui se prétendait policier lui rendit visite dans son trois-pièces au prétexte d’une enquête en cours. Le chevalier d’Affres venait de mourir quatre jours plus tôt dans des circonstances mystérieuses, peut-être criminelles. Jules Rabotnik, qui avait eu vent du tragique accident, crut d’abord que le policier désirait l’interroger sur les éventuelles informations glanées à l’occasion des séances des dernières semaines, lors desquelles il avait peint le portrait du chevalier, mais il réalisa très vite que le petit homme avait d’autres idées en tête. Celui-ci le questionna à propos de ses toiles, et plus spécifiquement des portraits qu’il réalisait. En faisait-il souvent ? Qui avait-il peint récemment ? Rabotnik le renseigna.

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La Reconquête d’Almería

L’alliance matrimoniale entre Ferdinand II d’Aragon et Isabelle Ire de Castille en 1469, qui unit leurs royaumes respectifs, transforma la Péninsule ibérique en une puissance politique et militaire dominante.

Ferdinand II d’Aragon et Isabelle Ire de Castille

Après la fin de la guerre civile castillane en 1479, les Rois Catholiques lorgnèrent le royaume de Grenade, dernier bastion de l’Islam espagnol. La combinaison des ressources militaires et financières de la Castille et de l’Aragon, avec une population totale dépassant les sept millions d’habitants, leur conférait un avantage écrasant par rapport au petit royaume de Grenade, qui ne comptait que trois cent cinquante mille habitants.

Celui-ci était dirigé par Muley Hacen depuis 1464. Après un début de règne autoritaire, le vieux souverain avait fini par abandonner le contrôle du royaume entre les mains de hauts fonctionnaires et de factions nobles rivales.

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Cáceres, moyenâgeuse et paisible

La marche d’une vingtaine de minutes depuis la gare valait assurément la peine ! Dès que nous gagnâmes les ruelles pavées et escarpées du vieux centre-ville de Cáceres, je compris que la visite du jour s’apparentait à la découverte d’un énième petit trésor caché. Décidément, l’Estrémadure recelait en son sein une multitude de surprises !

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Récit Exquis #1 — Traque artistique


L’inspecteur Edgard Motin contemplait son reflet dans la vitre embuée par la pluie, sa longue moustache mâchouillant une pipe éteinte. Il avait beau se creuser les méninges, il ne parvenait pas à résoudre les contradictions auxquelles il faisait face. Peut-être que le rapport du labo lui permettrait d’y voir plus clair. Soudain, le téléphone sonna. Il décrocha avec empressement. Le labo ! Enfin !

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Conjuguer écriture, travail et vie conjugale

Le 1er novembre 1907, un juriste praguois de 24 ans commença sa carrière professionnelle au sein de la compagnie d’assurances Generali. Mi-juillet 1908, à peine un peu plus de huit mois après son entrée en service, il remit sa démission à sa hiérarchie. Selon lui, ce travail était trop chronophage et ne lui permettait pas de se consacrer à sa grande passion : l’écriture. Il n’avait encore rien publié, mais la littérature faisait déjà partie intégrante de sa vie.

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Le Despote : chapitre 3

<<Chapitre 2Chapitre 3Chapitre 4>>

Malgré ses ors, le Palais des Congrès ressemblait ce soir-là, par sa fréquentation douteuse, à un vulgaire tripot squatté par des alcooliques en costume ou en robe de gala. Il hébergeait en effet le grand bal annuel du bourgmestre. Bars, lampions et notes d’accordéon accueillaient les nombreux électeurs du parti dominant sur le compte des contribuables. Fait amusant : même la rumeur de la foule, bien qu’indistincte et monocorde, avait l’accent liégeois. Quelquefois, des éclats de rires gras et asthmatiques s’élevaient pour mourir aussitôt. Cling ! Un verre se cassait quelque part.

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Capileira la (dé)voilée

J’arrivai à Capileira vers 19 heures 15. Le soleil s’était déjà couché derrière l’horizon dans de rougeoyants jeux de couleur. Je pus voir les lumières du village dans ses ruelles escarpées et depuis ses hauteurs étoilées, mais la bourgade maure demeurait aussi mystérieuse qu’une femme voilée. Ses quelques maisons blanches et son clocher phosphorescent n’étaient qu’un regard brillant au cœur de l’obscurité. L’immensité était recouverte d’un pudique voile noir, lancé sur des formes et des courbes qu’on savait exister mais qu’on ne pouvait même pas deviner. Il faudrait attendre le feu de l’aube pour que s’embrase et se désintègre le niqab obscur au plus grand plaisir de mes yeux émerveillés.

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Micronouvelle #7 — Le Vieil Aigle affamé

Le vieil aigle avait faim. Il planait à proximité de Géla, petite colonie grecque de Sicile, tournoyant dans les courants d’air chaud en quête de potentielles proies. Sa vue, autrefois perçante, laissait à désirer depuis plusieurs mois, mais il compensait les irrémédiables faiblesses de l’âge par l’expérience et une force inégalée chez ses congénères du ciel.

Il détecta soudain un mouvement flou en contrebas et, instantanément, piqua vers son repas. Ses longues griffes saisirent l’animal et l’emportèrent dans les airs.

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Geronimo à l’Exposition universelle de Saint-Louis

En 1904, on invita Geronimo à assister à l’Exposition universelle de Saint-Louis. Le vieux guerrier apache, captif en Oklahoma où il s’était reconverti dans l’agriculture, refusa l’offre, mais quand le Président des États-Unis Theodore Roosevelt himself renouvela l’invitation, Geronimo accepta.

Durant six mois, toujours escorté par des gardiens, il fut à la fois attraction et visiteur privilégié de l’Exposition. Attraction parce qu’il participa à des spectacles (notamment de lasso) et qu’il dédicaça des centaines de photos de lui contre rétribution (ce qui le rendit plus riche que jamais). Visiteur privilégié parce qu’on lui permit de déambuler au cœur des stands et de découvrir illusions et merveilles tirées du génie humain.

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