Le tremblement de terre qui ruina Vera

C’était le mardi 9 novembre 1518. La nuit tombait sur la colline de l’Esprit saint où se dressaient Vera et son château fort. Les cent cinquante habitants venaient de rentrer chez eux. Au fur et à mesure que l’obscurité s’intensifiait, ils se glissaient les uns après les autres sous les couvertures de leurs couchettes et s’endormaient peu à peu.

Deux cents maisons s’échelonnaient sur les flancs de la cité, mais seules soixante étaient occupées — conséquence, primo, de l’interdiction faite aux maures d’y résider et, secundo, des attaques de pirates qui ravageaient presque quotidiennement ce coin du royaume.

Il devait être entre vingt-trois heures et minuit quand soudain la terre se mit à mugir et trembler de façon si brutale qu’elle abattit en un rien de temps tous les édifices de la ville. Une deuxième vague de secousses effroyables paracheva la destruction totale de la cité. La forteresse s’effondra sur le gouverneur militaire et ses trente piquiers, ne leur laissant aucune chance de survie. Les deux cents maisons aplatirent leurs occupants ; seuls six ou sept chanceux purent s’en sortir indemnes. La nuit durant, à la lueur des torches, ils fouillèrent les ruines et exhumèrent les corps ; parmi ceux-ci, une demi-douzaine d’individus respirait encore, mais certains étaient inconscients et on ne savait s’ils survivraient à leurs blessures.

Les premiers rayons du jour révélèrent l’ampleur de la catastrophe : de Vera il ne restait qu’une citerne et la chapelle du Santísimo. La colline de l’Esprit saint n’était plus qu’une montagne de décombres. Tout le monde ou presque avait péri.

Mojacár, la voisine méridionale de Vera, eut un peu plus de chance. Certes, sa forteresse, rénovée en profondeur par son gouverneur Pedro de Luján au cours du dernier quart de siècle, s’effondra sur lui, ses proches et quelques soldats, les tuant sur le coup, mais seul un tiers des maisons chut, pour un bilan total de quinze morts, dont onze dans le château. Les localités voisines de Garrucha et Cuevas de Almanzora pâtirent également du séisme.

Compte tenu de l’emplacement stratégique de Vera, Charles Quint décida de réédifier la cité, quitte à injecter des milliers de ducats dans l’opération, mais une série de problèmes se présentèrent à ses exécutants. Les énormes rochers qui servaient de fondations à la forteresse étaient traversés par de si larges fissures que sa reconstruction en était compromise. Les flancs de la colline avaient été retournés par les secousses, ce qui rendait leur sol trop incertain, trop instable en vue de l’érection de nouvelles maisons. Ils étaient par ailleurs jonchés de tant de gravats que leur simple déblaiement constituait en soi une tâche ardue et ruineuse. En outre, la source d’eau avait disparu des suites du tremblement de terre.

Il fut dès lors convenu de rebâtir la cité à quelques centaines de mètres de là, sur un terrain plat. L’enceinte rectangulaire, pourvue de huit tours, n’aurait pas de château en son sein, mais une place centrale, une église, des fours et cent quarante maisons construites à l’identique — ainsi se dessinaient les nouvelles villes de l’époque.

Les travaux avançaient à bon rythme quand survint le grand tremblement de terre d’Almería en 1522. S’il ne provoqua pas de dégâts dans Vera la neuve, il n’en eut pas moins de conséquences fâcheuses pour ses habitants. Les hommes d’armes, tel le capitaine Alonso de Astorga, déprotégèrent leur propre cité en partant à la rescousse d’Almería et, dans la foulée de leur départ, Vera fut victime d’un sac pirate. En outre, l’argent qu’envoyait Charles Quint pour la réédification de la ville se tarit soudain, réorienté vers Almería, tant et si bien qu’en 1534 son enceinte demeurait toujours inachevée pour moitié.

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