Conjuguer écriture, travail et vie conjugale

Le 1er novembre 1907, un juriste praguois de 24 ans commença sa carrière professionnelle au sein de la compagnie d’assurances Generali. Mi-juillet 1908, à peine un peu plus de huit mois après son entrée en service, il remit sa démission à sa hiérarchie. Selon lui, ce travail était trop chronophage et ne lui permettait pas de se consacrer à sa grande passion : l’écriture. Il n’avait encore rien publié, mais la littérature faisait déjà partie intégrante de sa vie.

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Vocation d’écrivain : innée ou acquise ?

Le dimanche 22 juin 1958, un garçon de dix ans sort du taxi qui le conduisait de la gare routière au domicile de sa mère. Il a des cheveux sombres et est déjà grand pour son âge. Ses parents sont divorcés depuis deux ans et se livrent une guerre de tout instant pour gagner la faveur de leur gamin. Il vient de passer le week-end à Los Angeles chez son père qu’il adore, et il est de retour à El Monte où sa mère, qu’il n’aime pas, est venue se terrer quelques mois plus tôt.

À hauteur du domicile maternel, un policier interpelle le garçon. Il lui apprend que sa maman est morte, qu’elle a été tuée durant la nuit. Il lui cache les détails les plus sordides — le sperme retrouvé en elle, le bas collant serré d’une poigne ferme autour de son cou, le cadavre abandonné sur un trottoir — et l’invite à l’accompagner au commissariat où il pourra répondre aux questions des enquêteurs.

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Ce qui inspira à John Kennedy Toole La Conjuration des imbéciles

En 1961, le jeune John Kennedy Toole, vingt-trois ans à peine, dut interrompre ses études pour faire son service militaire. Il fut affecté à Fort Buchanan, sur l’île de Puerto Rico, où on le chargea d’enseigner l’anglais aux recrues hispanophones.

D’ordinaire enjoué et prompt à faire de l’humour, Toole sombra peu à peu dans la dépression. Ce n’était pas tant l’isolement qui lui pesait, mais l’inactivité qui s’installait dans son quotidien faute de nouvelles recrues à former, couplée à la chaleur étouffante qui jour après jour le tourmentait, transformait lentement mais sûrement sa vie en cauchemar.

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Terminer un roman

Cela faisait longtemps que Victor Hugo ambitionnait d’écrire un large roman sur la précarité sociale. En 1845, celui qui venait d’être fait pair de France se mit à l’ouvrage et entama la rédaction d’un manuscrit intitulé Les Misères. Celui-ci, initialement conçu comme la réunion de l’histoire de quatre personnages, un saint (Mgr Myriel), un homme (Jean Valjean), une femme (Fantine) et une enfant (Cosette), dériva peu à peu du schéma originel et vit un protagoniste, Valjean, tirer la couverture à lui, et d’autres figures, tel Marius, gagner le rang de personnage principal au fur et à mesure que se développait l’intrigue.

En 1848, Hugo avait rédigé quatre des cinq parties ambitionnées, mais le destin de la France était sur le point de basculer, et cet énième soubresaut de l’histoire française allait avoir d’énormes répercussions sur le visage final de l’œuvre projetée.

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Quand écrire un roman

Marguerite Yourcenar (1903-1987) avait vingt ans à peine lorsqu’elle s’attaqua à une œuvre ambitieuse consacrée à l’empereur romain Hadrien (76-138). Celui-ci, né à Italica, près de Séville, était arrivé au pouvoir en 117 et l’avait conservé jusqu’à sa mort. Pétri de culture grecque, poète, philosophe, Hadrien avait rompu avec la politique expansionniste de Trajan, son prédécesseur, et avait veillé à consolider l’Empire à l’intérieur de ses nouvelles frontières.

Ce qui intéressait Yourcenar dans cette figure du passé touchait notamment à son époque, lors de laquelle « les dieux n’étant plus, et le Christ n’étant pas encore » (Flaubert), l’homme se retrouvait seul avec lui-même.

Entre 1924 et 1929, elle écrivit et réécrivit plusieurs manuscrits, certains restant inachevés, d’autres prenant une forme plus aboutie. Elle les détruisit tous, insatisfaite du résultat, et, bien des années plus tard, elle déclara qu’ils méritaient le sort qu’elle leur avait réservé.

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S’inspirer de sa propre existence

Le 9 janvier 1841 au soir, Victor Hugo dîna chez Mme de Girardin. Quand il prit congé de son hôtesse, il marcha jusqu’au coin que formaient le boulevard des Italiens et la rue Taitbout dans l’attente d’une voiture.

Au XIXe siècle, la rue Taitbout était connue pour être une rue où les riches financiers logeaient leurs courtisanes. Il n’était pas rare de voir des filles de petites mœurs en arpenter le trottoir.

Ce soir-là, le froid engourdissait les corps. Une épaisse couche de neige avait recouvert Paris. À quelques pas d’Hugo, une demoiselle en robe décolletée attendait.

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