Micronouvelle #4 — Vœu à l’étoile filante

On dit que, si l’on fait un vœu après avoir observé une étoile filante, il se réalisera pourvu qu’on le taise à jamais.

À présent que me voici sur mon lit de mort, et puisque le vœu que je soufflai à l’immensité en cette nuit estivale de 1939 a été exaucé, je me sens en droit d’en révéler la teneur, ce pour quoi je vous dicte ce témoignage, avec l’espoir sincère qu’il vous inspire. Croyez en vos rêves : une bonne étoile veillera toujours sur vous.

En ce temps-là, je m’étais amouraché d’une fille qui répondait au nom de Léontine Dangloy. Elle était belle et je lui prêtais toutes sortes de qualités. Nombreux étaient les jeunes hommes qui, comme moi, lui tournaient autour ; nous savions qu’un seul de nous l’emporterait. Quand l’étoile fila devant moi sans crier gare, je songeai très fort au désir le plus merveilleux qui consumait mon âme : Seigneur, permets-moi d’au moins une fois la posséder.

La guerre m’arracha comme les autres à mon village, à ma patrie, et elle nous dispersa sur la terre. Quand l’horreur prit fin, Léontine ne vivait plus à Saint-Roch, et je dus bien me résoudre à l’inévitable, à vivre ma vie, à ouvrir mon épicerie, à épouser votre mère, à vous élever.

Plus jamais je n’eus de nouvelles de Léontine, jusqu’à l’an dernier. Quand je fus placé dans cette maison de repos, je découvris non sans surprise qu’elle logeait dans la chambre d’à côté. Elle n’était plus la jeune fille belle et fraîche d’antan, mais le destin ne m’avait pas oublié.

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