Le roman policier se caractérise généralement par une enquête ou un événement mystérieux impliquant au moins deux des trois protagonistes suivants : une victime, un criminel et un enquêteur.
Dans son jeune âge, il s’est surtout focalisé sur le duel entre l’enquêteur et le criminel, en prenant pour héros soit l’un (Arthur Conan Doyle, Agatha Christie), soit l’autre (Maurice Leblanc). D’abord jeu de logique, il a adopté au fil du temps des teintes plus psychologiques (Georges Simenon), avant de voir émerger la figure du privé brutal dont l’investigation flirte avec l’illégalité (Dashiell Hammett, James Ellroy). Enfin, ultime évolution notable, il a mis en retrait le personnage de l’enquêteur pour mieux se concentrer sur la lutte entre la victime et le criminel (Mary Higgins Clark).
En moins de deux siècles, le roman policier s’est ainsi développé en plusieurs sous-genres (roman d’énigme, roman noir, roman à suspense), qui eux-mêmes se sont déclinés en de multiples variantes (humoristique, historique, juridique, fantastique), tant et si bien qu’à peu près toutes les possibilités scénaristiques que renfermait a priori sa définition ont été épuisées. (J’ai néanmoins tenté, à mon modeste niveau, de régénérer le roman d’énigme en plaçant l’élément de surprise finale ailleurs que dans l’identité du coupable avec Le Procès de Claude Servais tout d’abord et Mort à Balerma ensuite.)
Dans ce contexte, rédiger une nouvelle policière au XXIe siècle constitue un défi un peu fou. Non seulement tout a déjà été écrit, mais en outre le format court de la nouvelle implique un nombre réduit de personnages, souvent deux ou trois à peine, ce qui rend d’autant plus délicate la manipulation du lecteur par le romancier aux fins de le surprendre. Dans ce recueil, je me suis essayé à ce périlleux exercice. Les neuf enquêtes qui vont suivre reposent toutes sur un schéma scénaristique propre ; elles se différencient par ailleurs les unes des autres grâce au contexte social varié dans lequel elles se développent. Elles visitent trois continents et plusieurs âges (Période antique, Époque moderne, Belle Époque, Première Guerre mondiale, le XXIe siècle). Hormis peut-être La Lettre de cachet, de facture plus classique (et du reste inspirée par Nicolas Restif de la Bretonne et Denis Diderot), les nouvelles que vous vous apprêtez à lire s’inscrivent dans la tradition de la chute finale. Deux de celles-ci ont été primées par la police de Liège à l’occasion de son regretté concours de nouvelles annuel, ce qui, je l’espère, augure de la qualité respectable du recueil dans son ensemble. Vous seuls serez juges.